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POUR LES CURÉS DE PARIS.


tres villes principales de ce royaume, par les plaintes qu’ils nous ont faites de ces désordres, avec la permission de MM. leurs prélats, et par les conjurations d’y apporter quelque remède, ont encore augmenté notre zèle et redoublé notre douleur ; s’ils se fussent plus tôt adressés à notre assemblée qu’ils n’ont fait, nous eussions examiné, avec un soin très-exact, toutes les propositions nouvelles des casuistes dont ils nous ont donné les extraits, et prononcé un jugement solennel qui eût arrêté le cours de cette peste des consciences. Mais ayant manque de loisir pour faire cet examen avec toute la diligence et l’exactitude que demandoit l’importance du sujet, nous avons cru que nous ne pouvions, pour le présent, apporter un meilleur remède à un désordre si déplorable, que de faire imprimer, aux dépens du clergé, les instructions dressées par saint Charles Borromée, pour apprendre à ces confesseurs de quelle façon ils doivent se conduire en l’administration du sacrement de pénitence et de les envoyer à tous MM. les évêques du royaume. »

Les sentimens de nosseigneurs les évêques ayant paru par là d’autant plus visiblement, qu'on ne peut douter que ce ne soit la seule force de la vérité qui les a obligés à parler de cette sorte, nous croyions que les auteurs de ces nouveautés seroient désormais plus retenus ; et qu'ayant vu tous les curés des principales villes de France et nosseigneurs leurs prélats unis à condamner leur doctrine, ils demeureroient à l`avenir en repos, et qu’ils s’estimeroient bien heureux d’avoir évité une censure telle qu’ils l’avoient méritée, et aussi éclatante que les excès qu’ils avoient commis contre l'Église.

Les choses étoient en cet état, et nous ne pensions plus qu’à instruire paisiblement nos peuples des maximes pieuses et chrétiennes, sans crainte d’y être troublés, lorsqu’on a vu paroître ce nouveau livre dont il s’agit aujourd’hui ; livre qui, étant l’apologie de tous les casuistes, contient seul autant que tous les autres ensemble, et renouvelle toutes les propositions condamnées avec un scandale et une témérité d’autant plus digne de censure, qu’on l’ose produire après tant de censures méprisées, et d'autant plus punissable, qu’on doit reconnoître, par l’inutilité des remèdes dont on a usé jusqu’ici, la nécessité qu’il y a d’en employer de plus puissans pour arrêter, une fois pour toutes, un mal si dangereux et si rebelle.

Nous venons maintenant aux raisons particulières que nous avons de poursuivre la condamnation de ce libelle. Il y en a plusieurs bien considérables, dont la première est la hardiesse tout extraordinaire dont on soutient dans ce livre les plus abominables propositions des casuiste : car ce n’est plus avec déguisement qu’on y agit ; on ne s'y défend plus comme autrefois, en disant que ce sont des propositions qu’on leur impute : ils agissent ici plus ouvertement ; ils les avouent et les soutiennent en même temps, comme sûres en conscience, « et aussi sûres, disent-ils, que les opinions contraires. Il est vrai, dit ce livre en cent endroits, que les casuistes tiennent ces maximes ; mais il est vrai aussi qu’ils ont raison de les tenir. » Il va même quelquefois au delà de ce qu’on leur avoit reproché. « En effet, dit-il, nous soutenons cette proposition qu’on blâme si fort et les casuistes vont encore plus avant. »