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Ainsi (cher lecteur), je te conjure encore une fois de ne point prendre pour imperfection que cette machine soit composée de tant de pièces, puisque sans cette composition, je ne pouvais lui donner toutes les conditions ci-devant déduites, qui toutefois lui étaient toutes nécessaires ; en quoi tu pourras remarquer une espèce de paradoxe, que pour rendre le mouvement de l'opération plus simple, il a fallu que la machine ait été construite d'un mouvement plus composé.

La seconde cause que je prévois capable de te donner de l'ombrage, ce sont (cher lecteur) les mauvaises copies de cette machine qui pourraient être produites par la présomption des artisans : en ces occasions, je te conjure d'y porter soigneusement l'esprit de distinction, te garder de la surprise, distinguer entre la lèpre et la lèpre, et ne pas juger des véritables originaux par les productions imparfaites de l'ignorance et de la témérité des ouvriers : plus ils sont excellents en leur art, plus il est à craindre que la vanité ne les enlève par la persuasion qu'ils se donnent trop légèrement d'être capables d'entreprendre et d'exécuter d'eux-mêmes des ouvrages nouveaux, desquels ils ignorent et les principes et les règles : puis enivrés de cette fausse persuasion, ils travaillent en tâtonnant, c'est-à-dire sans mesures certaines et sans propositions réglées par art : d'où il arrive qu'après beaucoup de temps et de travail, ou ils ne produisent rien qui revienne à ce qu'ils ont entrepris, ou, au plus, ils font paraître un petit monstre auquel manquent les principaux membres, les autres étant informes et sans aucune proportion : ces imperfections, le rendant ridicule, ne manquent jamais d'attirer le mépris de tous ceux qui le voient, desquels la plupart rejettent -- sans raison -- la faute sur celui qui, le premier, a eu la pensée d'une telle invention, au lieu de s'en éclaircir avec lui et puis blâmer la présomption de ces artisans qui, par une fausse