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ne pouvait avoir toutes ces conditions que j'ai heureusement données à cette petite machine.

Car pour la simplicité du mouvement des opérations, j'ai fait en sorte qu'encore que les opérations de l'arithmétique soient en quelque façon opposées l'une à l'autre, comme l'addition à la soustraction et la multiplication à la division, néanmoins elles se pratiquent toutes sur cette machine par un seul et unique mouvement.

Pour la facilité de ce même mouvement des opérations, elle est toute apparente, en ce qu'il est aussi facile de faire mouvoir mille et dix mille roues tout à la fois, si elles y étaient, quoique toutes achèvent leur mouvement très parfait, que d'en faire mouvoir une seule (je ne sais si, après le principe sur lequel j'ai fondé cette facilité, il en reste un autre dans la nature). Que si tu veux, outre la facilité du mouvement de l'opération, savoir quelle est la facilité de l'opération même, c'est-à-dire la facilité qu'il y a en l'opération par cette machine, tu le peux, si tu prends la peine de la comparer avec les méthodes d'opérer par le jeton et par la plume. Tu sais comme, en opérant par le jeton, le calculateur (surtout lorsqu'il manque d'habitude) est souvent obligé, de peur de tomber en erreur, de faire une longue suite et extension de jetons, et comme la nécessité le contraint après d'abréger et de relever ceux qui se trouvent inutilement étendus ; en quoi tu vois deux peines inutiles, avec la perte de deux temps. Cette machine facilite et retranche en ses opérations tout ce superflu ; le plus ignorant y trouve autant d'avantage que le plus expérimenté : l'instrument supplée au défaut de l'ignorance ou du peu d'habitude, et, par des mouvements nécessaires, il fait lui seul, sans même l'intention de celui qui s'en sert, tous les abrégés possibles à la nature, et à toutes les fois que les nombres s'y trouvent disposés. Tu sais de même comme, en opérant par la plume, on est à tous les moments obligé de retenir