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ACTE IIII.

Me ſuis ie reſoluë à ce triſte deuoir ?
Que ne puis ie eſpargner ta vie par la mienne ;
Mais la loy ne peut pas ſouffrir que ie l’obtienne.
Enfin pour m’obeyr tu te vis arreſté,
Par les Albaniens tu t’es veu mal traité :
Tu te vois priſonnier & tout chargé de chaiſnes,
Et ſi ie ne ſuis pas la cauſe de tes peines :
Car ſans doute les Dieux ont voulu te choiſir,
Te voyant ſi parfait, ſi propre à leur deſir,
Pour leur eſtre immolé, comme châcun le penſe ;
Quand ie te reſeruois vne autre recompence,
Ainſi que ie deuois.

ENDYMION.

Ainſi que ie deuais. Non, aymable beauté,
Ie ſeray ſatisfait dans ma captiuité,
Comme ie meurs content, puiſque c’eſt pour Diane,
Que c’eſt vn iuſte arreſt, puiſque tout m’y condamne :
Et meſme en te ſeruant i’eſtois trop glorieux,
I’aurois trouué mon ſort plus doux que rigoureux,
De n’auoir que des fers pour prix de mon ſeruice ;
Ne ne parles donc plus de ce petit office :
Il eſt par trop payé de ce torrent de pleurs,
Ie vois que mon trépas n’aura que des douceurs.
Mais ſeche tes beaux yeux, obiet diuin & rare,
Et ne t’oppoſes plus à ce qu’on me prepare :
Puiſque pour l’empeſcher tu combas vainement,
Non, c’eſt verſer des pleurs trop inutilement.

STHENOBE’E.

Tu meſpriſes ainſi le bien que ie t’enuie ?
Doncques ma volonté ſera ſi mal ſuiuie :
Ha ! pourquoy malheureux vins-tu parmy nos bois ?
Quel deſtin inſenſé t’a fait ſuiure ſes loix ?
Enfin qui t’a pouſſé de quiter ta patrie ?