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ACTE III.
ADMON.

Te rencontrer ? Amy, raconte nous l’hiſtoire,
Comme tu nous promis.

ESCLAVE.

Comme tu nous promis. Helas, triſte memoire,
Faut il renouueller de ſi cruels malheurs,
Que ie ne diray point ſans reſpandre des pleurs ?

THYMŒTES.

Mon fils, pour contenter toute la compagnie,
Commence :

ESCLAVE.

Commence : Chacun ſçait comme Diophanie
Fut auant ſon malheur la plus rare beauté,
Qui puiſſe à tous les cœurs oſter la liberté :
Tout cedoit à l’abord d’une telle merueille,
Qui fuſt comme en beautez en rigeur ſans pareille :
Dés ſes plus ieunes ans, à l’imitation
De celles de ſon âge, elle prit paſſion
De garder les troupeaux, & trouuoit ſes delices
Et ſes contentements dedans ces exercices.
Parmy tous les bergers qui luy furent connus,
Qui pres d’elle en ces lieux furent les mieux venus ;
Ce fuſt cet Hermodan, qui depuis leur enfance
Euſt de ſes amitiez entiere iouyſſance :
Mais connoiſſant enfin leurs charmes tous puiſſans,
Amour bleſſe d’vn trait ces deux cœurs innocens :
Car enfin s’ils eſtoient les plus parfaits du monde,
Ils s’aymerent auſſi d’vne amour ſans ſeconde :
Mais au point qu’Hermodan ſe croyoit plus heureux,
C’eſt lors que le deſtin luy fut plus rigoureux.
Vne beauté ſi rare eſtoit trop admirée,
Pour demeurer long-temps ſans ſe voir adorée,
L’on voyoit mille amans mourir pour ſes beaux yeux,