Comme tu nous promis.
Faut il renouueller de ſi cruels malheurs,
Que ie ne diray point ſans reſpandre des pleurs ?
Mon fils, pour contenter toute la compagnie,
Commence :
Fut auant ſon malheur la plus rare beauté,
Qui puiſſe à tous les cœurs oſter la liberté :
Tout cedoit à l’abord d’une telle merueille,
Qui fuſt comme en beautez en rigeur ſans pareille :
Dés ſes plus ieunes ans, à l’imitation
De celles de ſon âge, elle prit paſſion
De garder les troupeaux, & trouuoit ſes delices
Et ſes contentements dedans ces exercices.
Parmy tous les bergers qui luy furent connus,
Qui pres d’elle en ces lieux furent les mieux venus ;
Ce fuſt cet Hermodan, qui depuis leur enfance
Euſt de ſes amitiez entiere iouyſſance :
Mais connoiſſant enfin leurs charmes tous puiſſans,
Amour bleſſe d’vn trait ces deux cœurs innocens :
Car enfin s’ils eſtoient les plus parfaits du monde,
Ils s’aymerent auſſi d’vne amour ſans ſeconde :
Mais au point qu’Hermodan ſe croyoit plus heureux,
C’eſt lors que le deſtin luy fut plus rigoureux.
Vne beauté ſi rare eſtoit trop admirée,
Pour demeurer long-temps ſans ſe voir adorée,
L’on voyoit mille amans mourir pour ſes beaux yeux,