au Baizil. Je n’ai pas vu jusqu’à cette heure seulement le bout du nez de la plus petite autorisation. Je t’avouerai que je ne comptais plus sur rien de semblable. Je m’étais dit : Ces Messieurs, ces hautesses du haut de leur perchoir et de leur vertu, auront repoussé, loin, bien loin ma demande, ne voulant pas conniver à la fabrication d’une aussi monstrueuse immoralité que Madame Putiphar ; car, sur l’étiquette, c’est ainsi qu’ils ont dû présumer du contenu de la fiole.
« … Tu me fais l’honneur de me demander des nouvelles de Madame Putiphar ; j’y travaille sans relâche, surtout depuis une quinzaine de jours ; mais pour cela, ça ne va pas très vite ; je n’avance guère. O mon ami, que c’est donc difficile à faire, même un mauvais livre ! Est-ce la tâche qui est trop forte ? est-ce l’ouvrier qui est trop faible ? je ne sais ! mais je me sens ployer et quelquefois défaillir sous la besogne. Oh ! que de fois ces jours-ci j’ai envié le sort de ceux qui savent faire des livres sans enfer ; qui, chaque terme, se déchaussent d’un roman comme un postillon se déchausse de ses bottes. Quant à ton ami, tout en travaillant comme un laboureur, il se voit encore pour un mois de souffrances…
« C’est assis dans une cheminée, au milieu d’une hutte de boue et de chaume, entre deux mares ou plutôt deux margouillis, que ton ami, avec des sabots colossaux aux pieds et sur le dos une souquenille de toile à voiles, t’écrit ces lignes et t’embrasse…
Dans cette lettre, Pétrus Borel dit que le libraire Ollivier lui avait promis 200 fr. pour terminer Madame Putiphar ; les paiements devaient se faire par quart, et donnèrent bien des tribulations à ce pauvre Borel.
Je te fais passer le chap. XV de Notre Dame Putiphar ; pour le remettre, comme ses devanciers dans la carrière, à l’imprimerie Terzuolo. Je pensais t’en envoyer davantage et t’en envoyer plus tôt, mais je viens de garder le lit pendant huit jours, ce qui m’a mis beaucoup en retard. D’autre part, je me suis amusé à écrire le chap. XVII avant d’avoir mis bas le chap. XVI, qu’il faut d’abord au typographe…