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Gautier, par le même, porte aussi la date de 1831. — Ils sont signés Jehan du Seigneur.

Que sont devenus ces portraits et ces plâtres ? Je l’ignore, mais il nous reste un autre portrait en pied de Pétrus, un portrait à la Velasquez, superbe de couleur, et impérissable ; celui que Théophile Gautier a encadré dans son histoire du Romantisme : « Il était un peu plus âgé que nous, de trois ou quatre ans peut-être, de taille moyenne, bien pris, d’un galbe plein d’élégance, et fait pour porter le manteau couleur de muraille par les rues de Séville ; non qu’il eût un air d’Almaviva ou de Lindor ; il était au contraire d’une gravité toute Castillane, et paraissait toujours sortir d’un cadre de Velasquez, comme s’il y eût habité. S’il mettait son chapeau, il semblait se couvrir devant le roi, comme un grand d’Espagne ; il avait une courtoisie hautaine qui le séparait des autres, mais sans les blesser, tant il s’arrêtait juste à la limite où elle serait devenue de la froideur ou de l’impertinence. C’était une de ces figures qu’on n’oublie plus, ne les eût-on aperçues qu’une fois. Ce jeune et sérieux visage, d’une régularité parfaite, olivâtre de peau, doré de légers tons d’ambre, comme une peinture de maître, qui s’agatise, était illuminé de grands yeux, brillants et tristes, des yeux ce d’Abencérage pensant à Grenade. La meilleure épithète que nous puissions trouver pour ces yeux-là, c’est : exotique ou nostalgique. La bouche, d’un rouge vif, luisait comme une fleur sous la moustache, et jetait une étincelle de vie sur ce masque d’une immobilité orientale.

« Une barbe fine, soyeuse, touffue, parfumée au benjoin, soignée comme une barbe de sultan, encadrait, de son ombre noire, ce pâle et beau visage…

« La présence de Pétrus Borel produisait une impression indéfinissable, dont nous finîmes par découvrir la cause. Il n’était pas contemporain ; rien en lui ne rappelait l’homme moderne, il semblait toujours venir du fond du passé, et on eût dit qu’il avait quitté ses aïeux la veille. Nous n’avons vu cette expression à personne ; le croire Français né dans ce siècle, eût été difficile. Espagnol, Arabe, Italien du quinzième siècle, à la bonne heure. Grâce à sa barbe, à sa voix puissante et douce, à son costume pittoresquement arrangé, sans trop sortir de la mode ordinaire, et maintenu avec goût dans les teintes sombres, Pétrus Borel nous en imposait extrêmement et nous lui témoignions un respect qui