Page:Parnasse de la Jeune Belgique, 1887.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.


L’Oubli


Aux jours bien morts, hélas ! du rêve inviolé,
Quand vacillait en nous la suprême espérance,
N’avions-nous plus, du moins, l’attente et la souffrance
Et cet âcre jouir de vivre immaculé ?

N’était-ce pas très doux encor, cette blessure
Par où se dissipa le sang de notre orgueil,
Et ces râles jaillis du cœur même, et ce deuil
De s’écouter descendre en une tombe obscure ?

Et n’était-ce pas doux ce dernier souvenir,
Pâle ou sanglant parfois, de la vie écoulée,
Et ces regrets enfin de l’audace en allée,
Et l’orgueil du néant méprisant l’avenir ?

C’était mélancolique et cher comme d’entendre
Au lointain le plus bleu des vespéraux halliers
Vibrer d’âme navrée et s’éteindre oubliés
Les vains appels du cor harmonieux et tendre