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Vieil arbre et vieilles choses


Il reste là, courbé, tordu, rugueux, penché,
Près d’un mur en lambeaux, le vieux tilleul séché,
Si navrant au milieu des plantes abrouties,
Si ravagé du temps et si rongé d’orties,
Qu’on dirait, à le voir pourrissant, mais debout,
Un vieillard dont la Mort cherche à venir à bout !
Quand Avril reverdit, abonnit, ensemence,
Quand il se fait pistil et qu’il se fait romance,
Le pauvre vieux tilleul, par le temps dénudé,
Sur le sol frémissant reste inerte et ridé.
L’hiver sera bien long pour lui, longue l’année !
Le gazon où jadis la verdure fanée
S’amassait à l’automne et moisissait l’hiver
Et séchait au printemps, le gazon reste vert.
Le buisson croît encore et l’ortie abondante
Recueille et boit toujours l’aurore fécondante ;
Et le tilleul pourrit, courbé vers l’Orient.

Ô sage et blond Avril, ô mois luxuriant,
Sérénité des chants, des rayons et des roses,
Poèmes imagés, vous avez donc vos proses ?
De l’aurore, c’est bien ; du feuillage, c’est mieux.
Mais Avril rajeunit les jeunes, non les vieux !