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Et des pots reluisants et de toute grandeur,
Les charrettes à bras et l’aboiement grondeur
D’un chien de boulanger, rogue et hargneux cerbère,
Tournant sa morne queue autour d’un réverbère,
La droguerie aux bords peints de vives couleurs,
La lingère et ses draps, la fleuriste et ses fleurs,
Et vers le déclin calme et tiède qui commence
Par un clignotement sidéral, la démence
Des chats sous les hangars, des pigeons sur les toits,
Les ménages aux chocs d’assiettes et de voix,
La chanson continue et brusque des machines
À coudre, les tictacs d’horloge, les cuisines
Où l’on mange. Au premier endroit je vais m’asseoir,
Et sur les toits aigus je vois tomber le soir.

J’aime à trouver au fond populaire des rues
La trace du travail aux grosses voix bourrues.
J’ai la vieille manie étrange des endroits
Accentués d’ombre flétrie et d’angles droits,
Où va mourant le bruit sourd des locomotives,
Où les jaunes buissons aux croissances hâtives,
Vous mordent aux genoux dans l’épaisseur des prés.

Viennent l’heure du soir et les cieux empourprés,
Et le bon gros soleil sur la route endormie
Jetant son adieu plein de vieille bonhomie,
L’engourdissement noir se propage ; les coins
Ont des ombres de plus et des enfants de moins ;