Que le goût carnivore ſoit ou ne ſoit pas contre nature, quelqu’éloigné que l’homme ſoit de ſon état primitif, malgré la dépravation de ſon attachement pour le régime animal, on ſera toujours forcé de convenir qu’il n’y a rien de ſi délicieux que les ſemences & les racines ; que l’homme ne peut guère ſe diſpenſer, autant que ſa poſition lui permet, de les aſſocier toujours avec la viande, & que s’il jouit de la faculté de pouvoir vivre dans tous les climats, ſelon les beſoins qu’ils font naître, les végétaux n’aient beaucoup d’àvantage ſur les ſubſtances animales, puiſque leur uſage n’occaſionne pas auſſi aiſément la corruption à laquelle la viande eſt ſi ſujette ; qu’ils portent dans le ſang beaucoup de fluide & une acceſſence d’autant plus néceſſaire, que la plupart du temps nos humeurs ont une diſpoſition contraire, je veux dire, une tendance naturelle a la putréfaction.
Tout doit donc nous porter à croire que ſi la Nature eût indiqué à l’homme un aliment particulier, ce ſeroit dans la claſſe des végétaux qu’elle l’auroit placé, parce que ceux-ci renferment une multitude de racines,