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II

LA MAISON DUPLAY

Ce qui est précieux dans les Souvenirs d’un déporté, c’est moins ce qu’on y lit que ce qu’on y devine : cette retraite quasi honteuse, à laquelle le député d’Arras était condamné, autant par sa pauvreté que par son orgueil têtu ; cette solitude dans laquelle il vivait en son froid logement garni de la rue de Saintonge, jettent sur sa psychologie un jour plus vrai que tous ses discours. Cet ambitieux, qui isole ses rêves, qui souffre de son obscurité, qui croit son talent infiniment supérieur à sa fortune, tel est bien ce petit avocat radical, le type même du Jacobin d’esprit étroit et de rancune durable, l’Incorruptible par principes, incapable du cynisme bonhomme de Danton, et se sentant resté provincial au milieu de Paris qu’il désespère de conquérir, dont il ne connaît aucun des plaisirs, dînant à trente sous, allant rarement au spectacle qu’il aimait pourtant.

C’est ainsi qu’il vécut pendant deux ans, et sans doute, malgré une certaine popularité, commençait-il à douter de sa destinée, lorsqu’un événement imprévu vint changer subitement son existence.

Le 17 juillet, après ce malentendu funeste qu’on a appelé le massacre du Champ de Mars, le bruit se répandit dans Paris que la Cour avait le projet de s’emparer des hommes en vue du parti populaire, et de les jeter en prison. Mme Roland ne cache point avoir été assez