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se dit avec terreur qu’il vivait dans un horrible péché. Il en était au trois centième jour quand Dieu lui envoya cette salutaire pensée, et dès lors il ne songea plus qu’à s’en aller, et « ainsi comme auparavant un jour ne lui semblait pas une heure, maintenant une heure lui semblait dix jours ».

Il parla de ses remords à son écuyer, qui, lui, trouvait les plaisirs où il vivait « très durs à laisser », mais qui cependant ne voulut pas abandonner son maître, « en espérance d’y retourner quand il aurait conduit le chevalier en son hôtel ». Donc, le trois cent trentième jour venu, ils prirent congé de la reine, et, après avoir repris leurs vêtements, ils partirent, au milieu du grand deuil de tous les habitants du paradis et surtout de leurs « compagnes[1] ». On leur remit pour les éclairer

  1. La compagne du chevalier lui donna une « vergette » d’or, qui avait de grandes vertus. On voit plus loin qu’il la remit au pape, mais on ne sait quelles étaient ces vertus, et ce talisman ne sert à rien dans le récit. Vergette, dans la langue du XVe siècle, signifie « bague », et c’est ainsi qu’Antoine de la Sale l’emploie dans Jehan de Saintré quand il fait donner par son héros à chacune des dames de la cour « une vergette d’or toute esmaillée à fleurs de souviegne-vous de moi. » M. Kervyn de Lettenhove (voyez plus loin) a reconnu dans cette vergette où il a vu non une bague, mais une baguette, le « rameau d’or » de la Sibylle virgilienne. Ce qui est plus fâcheux, c’est qu’il a inventé, en ayant l’air de les avoir trouvées dans le récit de La Sale, des réflexions contradictoires qu’auraient faites sur ce rameau d’or, le bon roi René et l’astucieux dauphin Louis (devenu Louis XI).