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eau courante », où Turpin va puiser dans son heaume pour donner à boire à Roland, ne manque pas non plus dans la plaine.

Roland, pour mourir, d’après la Chanson, s’étend sous un pin. Ce détail a frappé M. G. Deschamps lors de sa visite à Roncevaux. « J’ai beau regarder, dit-il, je ne vois pas de pins… Il me paraît bien que le trouvère qui a rédigé la Chanson de Roland a fait ses descriptions « de chic » et n’a jamais visité les Pyrénées[1]. » C’est autour de cette remarque que s’est engagé le débat dont j’ai parlé. M. Camille Jullian, le savant historien de la Guyenne romaine et médiévale, la releva non sans vivacité : « J’ai toujours cru, dit-il, que le cher poète a été à Roncevaux, a vu les lieux et fait le pieux pèlerinage du martyre de son héros… S’il n’y a pas de pins maintenant, je crois qu’il y en a eu au XIe ou au XIIe siècle… Les Pyrénées portaient jadis le surnom de « fournies de pins[2] ». Mais

  1. Il constate encore, à l’appui de la même idée, qu’il n’a pas vu le « rocher de sardoine » dont parle le poème, et que le fond du ravin est un « marécage » où ne pourraient évoluer des cavaliers. La seconde remarque était sans doute justifiée lors de la visite de M. Deschamps ; elle ne l’aurait pas été lors de la mienne : les grandes prairies qui forment le milieu de la plaine n’étaient pas marécageuses et se seraient fort bien prêtées à des mouvements de cavalerie. Quant à la première, « sardoine » est là pour l’assonance, mais il pouvait fort bien y avoir des rochers sur la hauteur où Roland monta pour mourir.
  2. Pyrenœi pinifertœ vertices (Avienus, Ora maritima).