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donné naissance à une tradition locale. La tradition historique est partout extrêmement courte : il est bien rare, quoi qu’on en ait dit, qu’elle dépasse de beaucoup une génération. Ici toutefois l’orgueil qu’ont dû concevoir les vainqueurs d’un roi puissant, fameux par tant de victoires, les monuments que Charles lui-même — comme nous le verrons — avait sans doute élevés sur les lieux, auraient pu préserver quelque peu, chez les montagnards navarrais, le souvenir de leur triomphe ; ce souvenir aurait d’ailleurs, cela va sans dire, été hostile aux Francs ; il n’aurait en tout cas rien conservé de Roland, — dont le nom même devait être inconnu à ses agresseurs, — et n’aurait pas consacré les exploits et les derniers moments d’un héros ennemi.

Mais ce souvenir même ne paraît pas avoir existé. Les Basques n’ont ni légendes historiques[1], ni chants historiques[2]  ; leur rapide oubli du passé

  1. Il n’est pas inutile de dire que les lieux appelés aujourd’hui, en France, « Pas de Roland », « Brèche de Roland », etc., n’ont reçu ces dénominations qu’à une époque très récente (on n’a trace d’aucune avant le XVIIIe siècle), et les doivent à l’invention de poètes ou d’érudits locaux. Il en est sans doute de même du Salto de Roldan en Espagne.
  2. On leur en a fabriqué quelques-unes à l’époque romantique, et entre autres un chant sur la bataille de Roncevaux, le prétendu Chant d’Altabiscar, qui a longtemps trompé les critiques. On sait aujourd’hui que ce prétendu chant (en prose !), adapté à un refrain populaire sans