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A ces mots, le derviche s’empressa d’ouvrir la cage, et tenant l’animal par les pattes, sur sa main, il écouta ce qu’il avait à lui dire : « Le premier de ces avis, » dit le moineau, « c’est que bien des gens assurent que, si Dieu voulait, il ferait passer par le trou d’une aiguille une rangée de soixante-douze chameaux [1] ; rien, en effet, n’est en dehors de la puissance de Dieu ; mais il ne faut pas faire grand cas des efforts de l’homme. Le second, c’est qu’i/ ne faut pas s’affliger d’une chose qu’on perd [2]. Et je te dirai le troisième lorsque tu m’auras relâché. » Le derviche rendit la liberté à l’oiseau [3], et celui-ci, étant allé se percher sur la branche d’un arbre voisin, s’écria : « Apprends, faquir, que tu es un grand fou, et que ton esprit est attaqué, puisque tu as perdu volontairement ta proie. J’ai en effet dans mon gésier un rubis de grand prix : si tu m’avais tué pour me manger, tu t’en serais emparé. » Le derviche se frotta les mains de désespoir en entendant ces mots, et dit au volatile : « J’ai manqué, je l’avoue, une bonne fortune, mais donne-moi donc le troisième avis [4]. »

  1. Cet « avis, » emprunté au Koran, qui l’a emprunté lui-même, en l’exagérant, à l’Évangile, est ici tout à fait hors de propos et visiblement interpolé pour en remplacer un autre perdu.
  2. Garcin de Tassy donne « s’effrayer », mais le sens exige « s’affliger, » et c’est ce qu’on trouve en effet plus loin.
  3. Il y a ici un jeu de mots inutile à reproduire sur le nom du derviche.
  4. Dans Garcin de Tassy : « encore un avis » ; rnais d’après ce qu’a dit l’oiseau, il faut bien « le troisième avis. »