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moins encore. Mais si tu me laisses aller, tu y auras un grand profit. — Lequel ? —Je te donnerai trois règles de sagesse [1] que tu estimeras plus que la chair de trois veaux. » L’homme, confiant dans la promesse de l’oiseau, le laissa partir. L’oiseau lui dit : « L’un des conseils que je t’ai promis est : Ne crois pas tout ce qu’on te dit : le second : Garde toujours ce qui est à toi [2] ; le troisième : Ne te fais pas de chagrin de ce que tu auras perdu. » Ayant ainsi parlé, l’oiseau se posa sur un arbre et se mit à dire dans son doux chant : « Béni soit Dieu, qui a éteint la pénétration de tes yeux et t’a enlevé la sagesse ! Si tu avais fouillé les replis de mes entrailles, tu y aurais trouvé une hyacinthe du poids d’une once. » En entendant ces mots, l’homme se mit à pleurer et se frapper la poitrine pour s’être laissé tromper par l’oiseau. Mais l’oiseau lui dit : « Tu as vite oublié les avis que je t’ai donnés. Ne t’ai-je pas recommandé de ne pas croire tout ce qu’on te dit ? Et comment peux-tu croire qu’il y ait dans mon corps une pierre précieuse du poids d’une once, quand tout entier je ne pèse pas autant ? Ne t’ai-je pas dit aussi : Ne te fais pas de chagrin de ce que tu auras perdu ? Comment donc te désoles-tu pour cette hyacinthe ? » Après s’être ainsi moqué du vilain, l’oiseau s’envola dans les profondeurs de la forêt [3].

  1. Ostendam tibi tres maneries sapientiae.
  2. Quod tuum est semper habe. Le texte de Schmidt ajoute : si potes, mais cette addition parait étrangère à l’original.
  3. Pétri Alfonsi Disciplina Clericalis... herausgegeben von P. W. V. Schmidt (Berlin, 1827), n« XXIII, p. 63. Dans l’édition donnée à Paris en 1824 par la Société des Bibliophiles, ce conte porte le n° XX.