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le laissa aller, et l’oiseau s’étant posé sur une branche, lui dit : « Si tu m’avais ouvert le corps, tu y aurais trouvé une perle grosse comme un œuf d’autruche, qui t’aurait permis de passer toute ta vie sans rien faire. » L’homme consterné se laissa tomber à terre de douleur, puis il lui dit : « Reviens ; je te traiterai comme la prunelle de mes yeux. — Fou que tu es » répondit l’oiseau, « tu as bien vite oublié mes préceptes. Tu t’affliges de ce que tu as perdu ; tu veux m’avoir quand tu ne peux m’atteindre ; et tu crois que j’ai un œuf d’autruche dans le corps quand mon corps tout entier n’est pas si gros [1] ».

Si nous comparons ce conte à celui du Barlaam, nous y remarquons quelques différences. Il ne s’agit plus simplement d’un chasseur, mais du maître d’un jardin, qui tend un piège à l’oiseau parce qu’il dévaste ce jardin. En outre, l’oiseau n’est pas nommé. D’où provient cette différence, puisque le conte fait partie d’une traduction du roman grec ? Il est malaisé de le dire [2]. Quoi qu’il en

  1. Un livre d’histoires édifiantes imprimé en « juif allemand » au XVIIIe siècle, le Simchas ha-Nefesch (Joie de l’âme) contient la même histoire, sous une forme à peu près aussi concise que le résumé qu’on vient de lire. Le passage indiqué dans la note 3 de la page 230 ne s’y trouve pas. L’œuf d’autruche devient un œuf d’oie (Voy. Grünbaum, Jüdisch-deutsche Chrestomathie (Leipzig, 1882), p. 249.
  2. Si on admettait (voy. ci-dessus, p. 229, n. 1) que le roman grec, au lieu d’être la source du syriaque (d’où provient l’arabe et par lui l’hébreu), est au contraire lui-même fait d’après un roman syriaque (qui viendrait directement du sanscrit par l’intermédiaire du pehlvi), les choses s’expliqueraient mieux : ce serait le traducteur grec qui aurait altéré la forme originale.