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très péniblement le roi. Les Annales quasi officielles, rédigées peu de temps après, sans doute sous les yeux de Charles, terminent ainsi le récit du triste épisode : « Le souvenir de cette blessure effaça presque entièrement, dans le cœur du roi, la satisfaction des succès qu’il avait obtenus en Espagne. » On peut croire que cette phrase fut dictée à l’annaliste par le roi lui-même : elle tranche, par sa note intime et personnelle, avec la sécheresse habituelle des Annales ; et quel autre que Charles aurait pu révéler ainsi les sentiments de son grand cœur ?

La douleur et la colère du roi furent partagées par son armée, puis, bientôt, par la nation tout entière. On conçoit que l’émotion ait été grande : ce qui surprend, c’est qu’elle ait été aussi durable, ait survécu pendant des siècles, et se soit propagée bien au delà du pays où elle avait été ressentie. Le massacre d’un corps d’armée dans une embuscade n’est après tout qu’un fait de guerre comme il s’en produit souvent, comme l’histoire de tous les pays militaires, et celle de la France en particulier, en comptent par centaines. Combien, depuis lors, avons-nous essuyé de défaites plus sanglantes et surtout plus graves dans leurs conséquences ! Elles sont oubliées cependant, — sauf les plus récentes, — ou le souvenir n’en est