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FRANÇOIS VILLON.

rhétorique du temps, mais vibrante, où il accumulait tous les supplices les plus affreux pour y vouer celui

Qui mal voudroit au royaume de France.

C’était donc une nature qui, si elle manquait d’énergie et de délicatesse, ne manquait pas de bonté ni même d’une certaine noblesse. Ce qui le perdit, outre sa paresse et son goût du bien-être, ce fut surtout sa faiblesse et son extrême mobilité. Il « suivait » avec docilité et admiration ces « gracieux galants » dont il avait, trop jeune, fait la dangereuse connaissance, et qui l’entraînèrent après eux dans le mal. D’autre part il était par excellence l’homme des impressions vives et momentanées : il était ce que nous appelons aujourd’hui un « impulsif ». Nous voyons dans ses vers avec quelle rapidité il passe d’un sentiment à un autre, d’un ton au ton opposé, d’une prière à une grimace, d’une réflexion grave ou triste à une plaisanterie obscène. Sa poésie, en cela encore, est l’image de sa vie. Par cette faiblesse et cette mobilité, c’était vraiment un enfant. « Je ris en pleurs », dont on a fait sa devise, est la devise des enfants. Il le sentait lui-même. Il se promet d’être « homme de valeur » quand il sera « hors d’enfance », et il a trente ans ! Il ne fut jamais « hors d’enfance », et c’est ce qui diminue singulièrement sa responsabilité. Il fut toujours à la merci de l’impression du moment, du compagnon qui le dominait, de la femme qui le fascinait, de l’occasion qui le tentait, pleurant les chaudes larmes de l’enfance quand sa faute lui attirait un châtiment, prêt à les oublier aussitôt et à recommencer de plus belle. Lui-même, surpris de ces contradic-