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LA VIE.

condamné de nos jours un homme conscient et convaincu de vols avec effraction, sans parler d’escroqueries de moindre importance. Il comptait sur la Vierge Marie, qui était « le château, la forteresse » où il réfugiait son âme, pour lui faire obtenir sa grâce de Dieu, comme elle avait fait à Théophilus et à Marie l’Égyptienne. Car la piété en lui ne fut jamais éteinte, et, dans les moments où elle le reprenait, il se repentait de tout son cœur, quitte à retomber dans son vice dès que l’occasion le tentait. Cet état de sa conscience, en le préservant de la dégradation morale où il n’aurait pas manqué de tomber, lui permit de rester poète, et aussi de conserver les bons sentiments qu’il exprimait avec la même candeur que ses souhaits peu éthérés de bonheur, son infâme contentement dans sa vie de ribaud, ou les remords qui lui déchiraient le cœur dans le fond de sa prison quand il se voyait vieux à trente ans, si chargé de péchés et si dénué d’espérances.

Ces bons sentiments étaient, — outre sa piété, intermittente mais réelle, — d’abord sa sincérité même, l’humilité avec laquelle il avouait ses torts, puis sa tendresse pour sa mère, qu’il s’accuse d’avoir fait tant souffrir, sa reconnaissante affection pour son « plus que père » Guillaume de Villon, sa sympathie pour les misères humaines qu’il avait si profondément sondées, et enfin son patriotisme. Oui, ce gibier de potence aimait la France : trente ans après la mort de Jeanne d’Arc il la pleurait encore, et dans un jour d’indignation, à propos de quelque incident du jour, il écrivait une ballade, trop empreinte de la