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LA VIE.

la figure, étonnamment variée dans sa hideur, de la Mort. Au-dessous de chaque personnage et de chaque Mort était un huitain — terminé par un proverbe — exprimant l’invitation impérieuse et sarcastique de la Mort et la vaine supplication ou les regrets impuissants du mortel. Cette peinture, exécutée sous l’inspiration des Dominicains, frappa vivement, on le comprend, l’imagination populaire. Elle devint célèbre dans le monde entier et fut imitée presque aussitôt — et longtemps encore après — en France, en Angleterre, en Italie et surtout en Allemagne. Notre écolier dut bien souvent en emplir ses regards. Mais c’étaient surtout les « charniers » qui fascinaient son âme de poète et le plongeaient, pour un temps, dans une méditation à la fois ironique et sombre. Mais il était vite ramené à son train d’idées ordinaire par le mouvement profane qui bruyait autour de lui. Le moyen âge ne connaissait pas le respect des morts. Les cimetières, seuls emplacements libres tolérés à l’intérieur de ces villes où les maisons se pressaient jusque sur les ponts, étaient des lieux de réunion et de plaisir, souvent de fêtes et de bals. Aux Innocents on venait se promener, on donnait des rendez-vous, on exerçait mille petits métiers dans des boutiques qui s’adossaient aux murs des galeries, entre les amoncellements dos. Les écrivains publics, notamment, y avaient des échoppes presque aussi nombreuses qu’aux environs de Saint-Jacques-la-Boucherie et non moins achalandées. François de Montcorbier ne pouvait manquer de faire là quelque rencontre qui le distrayait bientôt de ses lugubres pensées.