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FRANÇOIS VILLON.

Si les maîtres avaient accepté la sentence du légat, les écoliers n’avaient pas désarmé : ils continuaient la guerre, guerre à la fois burlesque et sanglante. Ils ne se contentaient plus de leurs tapages habituels dans le quartier dont ils étaient les maîtres absolus. Ils s’étaient avisés, en 1451, d’arracher de terre et de transporter dans leur domaine, au Mont Saint-Hilaire (derrière la place Maubert), une grosse pierre, sans doute d’origine préhistorique, qui se dressait de temps immémorial devant un hôtel situé en face Saint-Jean en Grève et appartenant à la veuve de maître Girard de Bruyères, en son vivant notaire et secrétaire du roi. Cette pierre avait reçu de quelque légende née de l’humour populaire le surnom de « Pet au diable ». Madame, ou, comme on disait alors d’une femme de sa condition, mademoiselle de Bruyères se plaignit à l’autorité de l’enlèvement de ce palladium qui faisait la gloire de son hôtel. Les gens du roi reprirent la pierre et la portèrent, pour plus de sûreté, dans l’enceinte du Palais même; mais les écoliers, qui dans toutes leurs équipées avaient pour alliés le peuple non moins écervelé des basochiens, envahirent le Palais, s’emparèrent triomphalement de la pierre, et la scellèrent avec du plâtre et des barres de fer à l’endroit qu’ils lui avaient assigné. Ils la couronnèrent de fleurs, qu’ils renouvelaient chaque dimanche, et toutes les nuits ils dansaient autour d’elle au son des flûtes et des tambourins. Ils avaient fait de cette pierre une espèce de fétiche, et contraignaient tous ceux qui passaient devant, et surtout les officiers royaux, à une bouffonne cérémonie d’allégeance.