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LE SUCCÈS.

dans les archives la trace des vagabondages de ce bohème, marqués à chaque pas par un méfait ou une condamnation, pour que des générations successives de poètes cherchent dans cette poignée de rimes jetées à tous les vents une inspiration et un modèle. Merveilleuse puissance de l’art, et, aussi, merveilleux effet de cette sincérité qui chez Villon fait partie de l’art, et qui manque souvent à des œuvres bien plus puissantes, plus riches et plus belles que la sienne ! s’il est vrai que le moi, en un certain sens, soit haïssable, il n’est pas moins vrai, dans un autre sens, qu’il possède un singulier et impérissable attrait. Ce qui a le plus charmé les lecteurs des XVIe et XVIIe siècles, dans l’œuvre du poète parisien, c’est son habileté à manier la langue et le vers, sa fantaisie imprévue, sa malice, son enjouement, son talent de description ; aujourd’hui, — sans que tous ces dons octroyés à l’auteur du Testament par la fée dont il se dit « extrait » aient perdu de leur prix à nos yeux, — ce qui nous attache le plus à lui, c’est ce qu’il nous a révélé de son cœur faible et ardent, de son âme mobile, de ses passions, de ses souffrances et de ses remords. Aux générations qui viendront après nous d’autres aspects encore s’offriront peut-être qui les captiveront d’une façon nouvelle ; ce qui est certain, c’est que Marot était bon prophète quand, après avoir dit que « le temps qui tout efface n’a su jusqu’ici effacer l’œuvre de François Villon », il ajoutait : « et moins encore l’effacera ores et d’ici en avant ».