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LE SUCCÈS.

ses images, le pittoresque éclatant de ses tableaux. Il a surtout, le premier, signalé dans Villon un poète éminemment « égotiste », et reconnu que cette personnalité même répandue dans l’œuvre était ce qui la rendait si attachante. Poète expliqué par un poète, Villon, on peut le dire, était désormais compris tout entier, bien qu’on pût ajouter encore au portrait quelques touches de détail, quelques ombres et quelques lumières. A côté de cette vue pénétrante et juste il faut faire, dans l’étude de Gautier, une certaine part à l’engouement du romantisme pour le mélange du trivial et du tragique, du sérieux et du bouffon : ce goût, dans les œuvres du chantre des Pendus et des Dames du temps jadis, était servi à souhait.

Par une singulière bonne fortune, ce poète cher au romantisme ne plut pas moins aux défenseurs ou restaurateurs de la tradition. Nisard, en son Histoire de la littérature française (1844), parle de lui avec sympathie et intelligence. Il remarque très justement, ce qui a été à bon droit souvent répété depuis, que Villon est vraiment novateur en ce qu’il « n’imite pas le Roman de la Rose: il laisse ces froides allégories et ce savoir indigeste ; presque toutes ses pensées sortent de son fonds… Il lit dans son cœur et tire ses images des fortes impressions qu’il reçoit. » Il va jusqu’à lui pardonner les turpitudes de sa vie en faveur de ses vers, et, se refusant à accepter l’opinion qui fait de Charles d’Orléans et non de Villon le premier poète moderne, il conclut excellemment : « Charles d’Orléans est le dernier poète de la société féodale ; Villon est le poète de la nation, laquelle commence sur les ruines de la féodalité qui finit ». Ce