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LE SUCCÈS.

tous ses ouvrages. Il est très vain de torturer, comme on l’a fait, le sens de ce passage : Boileau a simplement voulu dire que Villon était le premier poète français qui fût lisible et eût quelque chose de moderne, et il est permis de croire qu’il n’avait pas pris la peine de s’en assurer par lui-même.

Villon ne pouvait et ne peut guère être lu que dans un cercle assez étroit ; mais dans ce cercle il n’a cessé d’avoir de fervents amis. Sauf une éclipse longue en apparence, mais plus apparente que réelle, il a toujours été admiré, mais, comme tous les poètes vraiment originaux, qui ne livrent pas du premier coup et ne livrent jamais complètement le secret du charme qu’ils exercent, il l’a été pour des raisons différentes, et cette diversité est intéressante, car elle reflète les tendances des époques successives où elles se produisent. Ce que Marot relève en lui, c’est, nous l’avons vu, le talent de « décrire proprement », les « mille couleurs » dont il pare sa poésie, et aussi « sa belle doctrine )>. Au XVIIe siècle Patru est surtout frappé de la finesse de son goût en fait de langue. Au XVIIIe siècle, le P. Du Cerceau, — jésuite aimable et lettré qui a rimé au moins un conte agréable, et qui a écrit sur Villon tout un mémoire plein de sympathie, — loue surtout « le tour badin et le caractère enjoué » de sa poésie ; il remarque aussi l’aisance de son style et la richesse de ses rimes. L’abbé Massieu, à son tour, le regarde comme « l’inventeur de ce badinage délicat qui tient comme le milieu entre l’agréable et le bouffon », et constate que, bien que « les sujets qu’il traite roulent presque toujours sur des choses basses et sur des bagatelles,