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FRANÇOIS VILLON.

peine qu’il avait à bien les entendre, et, Marot ayant allégué l’incorrection du texte, il l’avait engagé à lui donner une meilleure forme, ce que Marot fit dans la mesure où nous l’avons vu. L’appréciation de Marot sur Villon, consignée dans sa préface, est extrêmement intéressante. C’est un des plus anciens morceaux de critique littéraire que l’on ait écrits en français, et si elle est incomplète et en certains points contestable, elle est sur d’autres points singulièrement juste et perspicace, et telle qu’on pouvait l’attendre d’un vrai poète. Marot proclame d’abord que Villon est « le meilleur poète parisien qui se trouve » ; il loue son « gentil entendement » et « l’esprit qu’il avait », son art de décrire « proprement », et « la veine dont il use en ses ballades, qui est vraiment belle et héroïque » ; son recueil, conclut-il, « est de tel artifice, tant plein de belle doctrine, et tellement peint de mille belles couleurs, que le temps, qui tout efface, jusqu’ici ne l’a su effacer, et moins encore l’effacera ores et d’ici en avant ». Il n’a pas su démêler nettement, bien qu’il les ait certainement sentis, quelques-uns des mérites du poète qu’il admirait : la note personnelle, la sincérité, le mélange à la fois si habile et si imprévu des tons ; mais il en a parfaitement saisi d’autres et notamment ce talent de description qui est un des traits distinctifs du peintre de la belle heaumière. Il regrette que Villon n’ait pas été « nourri en la cour des rois et des princes, où les jugements s’amendent et les langages se polissent », mais ce regret, nous l’avons dit, est sans doute peu justifié. Il lui reproche, et avec plus de raison, — outre les archaïsmes de sa versification et de son