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LA VIE.

favori du duc de Berry jadis détesté du peuple : se remémorant tout à coup les mauvais traitements subis à Meun, il s’écrie :

…Quant j’en ai mémoire,
Je pri pour lui (et reliqua)
Que Dieu lui doint (et voire, voire)
Ce que je pense, et cetera !

« Oh ! ajoute-t-il, ce que je pense, ce n’est pas du mal, ni pour lui, ni pour son lieutenant, ni pour son official, qui est gracieux et plaisant, ni pour le petit maître Robert (sans doute un assesseur de l’official) : je les aime tous… autant que Dieu aime les Lombards (les usuriers)! »

Mais il ne se plaint, en somme, que de l’excessive rigueur de sa prison : il ne proteste pas de son innocence. Il avoue même son méfait quand, dans le poème composé peu après sa délivrance, il assure que, si un généreux protecteur lui « changeait sa mauvaise fortune en bonne, » il ne mériterait plus de reproche, et qu’il ajoute :

Nécessité fait gens mesprendre[1]
Et faim saillir[2] le loup du bois.

Dans sa prison même, réfléchissant à son passé si orageux, à son présent si triste, à son avenir si incertain, il composait la ballade où il représente son cœur l’interpellant et lui disant des vérités auxquelles il essaie en vain de se soustraire. Le cœur se désole de le voir

retrait[3] ainsi seulet,
Com povre chien tapi en reculet[4],

  1. Se mal conduire.
  2. Sortir.
  3. Retiré.
  4. Dans un renfoncement.