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L'ŒUVRE.

certains endroits inintelligible même pour les érudits ; les formes de sa versification ont passé de mode ; tout le milieu moral et intellectuel dans lequel il se mouvait a été profondément transformé ; — et cependant, grâce à la force et à la vie qu’on sent qui animent cette poésie si éphémère en apparence, ses strophes, lues ou répétées, nous produisent encore cet effet indéfinissable, mais incontestable, qu’éprouvent par un instinct commun, dans lequel ils sont sûrs de s’entendre, tous ceux qui sont sensibles à la vraie poésie, cet effet que la vraie poésie produit seule, et qu’elle produit toujours. Parmi ceux qui subissent ce charme, il en est, en petit nombre, qui s’efforcent de le pénétrer, et ceux-là, plus ils poussent loin leur étude du texte qui les attire, plus ils découvrent à cette musique, captivante en elle-même, d’intentions accessoires, de résonnances profondes et d’harmoniques : c’est là le propre de toute poésie vraiment originale, et un des traits qui attirent éternellement autour de certaines œuvres, souvent fermées au vulgaire, les « amants des loisirs studieux ».

Telles sont les principales qualités de fond et de forme qui nous frappent dans la poésie de Villon. Mais celle qui les domine toutes, c’est la vérité de son inspiration, la sincérité de ses sentiments et la simplicité de l’expression qu’il leur a donnée. C’est par là qu’il s’élève au-dessus de tous ses contemporains, notamment d’Alain Chartier, de Martin Le Franc et de Charles d’Orléans. Il a résolument rejeté la friperie du Roman de la Rose, dans laquelle ils sont encore enveloppés, et que ce dernier, si bien doué