Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
FRANÇOIS VILLON.

S’elle peut, elle se deslie.
Quant donc, par plaisir volontaire,
Chantée me fut ceste omelie,
Estoit il lors tems de me taire ?


Cet attrait est surtout sensible dans les ballades, où les mêmes rimes reviennent à chaque strophe : quand le poète réussit, sans employer de chevilles, de termes impropres ou de constructions forcées, à rimer richement d’un bout de la pièce à l’autre, — et cela lui est arrivé plus d’une fois, — la ballade atteint la perfection des joyaux les plus finement ciselés, et le lecteur subit un charme des causes duquel, le plus souvent, il ne se rend pas compte, mais que le poète a certainement voulu mettre dans son œuvre.

Grâce à toutes ces qualités, la poésie de Villon exerce sur nous le même genre de fascination que la prose de Rabelais, dont je ne sais quel passionné disait qu’il n’avait pas besoin d’en comprendre le sens pour en jouir et s’en émerveiller. Leur phrase à tous deux est comme une formule magique, comme un sortilège où les mots doivent leur pouvoir, non pas tant à leur signification directe qu’à leur sonorité, à leur arrangement et à leur mystère même. Les sujets des poèmes de Villon ont perdu depuis des siècles tout ce qui en faisait l’intérêt momentané et sont devenus tellement lointains que souvent les recherches les plus sagaces n’ont pu lever qu’un bien petit coin du voile qui les couvre ; ils sont d’ailleurs si particuliers et souvent si déplaisants qu’ils ne peuvent exercer aucun attrait par eux-mêmes ; sa langue a vieilli au point d’être en