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L'ŒUVRE.

parisienne, er avec ar, oi avec ai et avec è, etc. ; il supprime au besoin l’e atone qui suit une voyelle (Troies rimant avec trois) ; il associe quelquefois, ce qui est plus critiquable, une voyelle longue avec une brève, ostes avec sotes ; il se permet même souvent des demi-assonances, faisant rimer, sans tenir compte de la différence des consonnes internes, fuste avec fusse, rouges avec courges, enfle avec temple et même peuple avec seule et Grenoble avec Dole ; mais jamais il ne néglige l’identité parfaite des finales (qu’il obtient parfois, il est vrai, en ajoutant une s irrationnelle), et il recherche constamment la consonne d’appui, ce qui ajoute à ses vers beaucoup de charme et de pouvoir mnémonique, quand cette recherche y est conciliée avec le choix juste des mots et des tournures. Des strophes comme les deux que je cite au hasard, qui se gravent dans la mémoire dès qu’on les a lues, doivent une grande partie de leur valeur à l’emploi de rimes riches, portant sur des mots qui semblent nécessaires, et dont le choix satisfait l’esprit comme leur assemblage captive l’oreille :

Ou sont les gracieux gallans
Que je suivoie au tems jadis,
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en fais et en dis ?
Les aucuns sont mors et roidis,
D’eux n’est il plus rien maintenant :
Repos aient en paradis,
Et Dieu sauve le remenant[1] !

Que vous semble de mon appel,
Garnier ? fis je sens ou folie ?
Toute beste garde sa pel :
Qui la destreint, efforce[2] ou lie,

  1. Le restant.
  2. Si on la contraint, violente.