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FRANÇOIS VILLON.

tomber dans des superfluités ou des impropriétés ; mais quand il est dans ses bons moments il choisit ses mots avec un rare bonheur et n’en admet ni d’inutiles ni de faibles. Sa syntaxe est trop souvent imparfaite et négligée : c’est son plus grand défaut d’écrivain et l’une des plus grandes causes de l’incertitude et de l’obscurité de son texte. On dirait qu’il a mis une sorte d’affectation d’insouciance à commencer l’un et l’autre de ses poèmes par une phrase (qu’il a laissée inachevée : Je, François Villon, escolier, n’est le sujet d’aucun verbe ; En l’an trenticsme de mon aage entame une phrase, qui est interrompue par une incise, Nonobstant maintes peines eucs, etc., et qui ne se termine pas. Cette maladresse à construire des propositions un peu longues ou une chaîne de propositions était commune alors et s’est prolongée fort tard. Régnier, en cela comme en d’autres choses, est fâcheusement l’émule de Villon : il est telle de ses satires qui, elle aussi, débute par un commencement de phrase resté suspendu en l’air. Il a fallu les soins attentifs et minutieux des puristes du xvii siècle pour astreindre les écrivains à mettre dans leur syntaxe l’ordre et la dépendance qui ont tant contribué à donner à l’élocution française cette clarté qui la distingue entre toutes.

La versification de Villon n’est pas ce qui contribue le moins à l’effet produit par sa poésie. Ses huitains alertes et bien troussés, coupés en général en deux moitiés distinctes que relie la rime commune à la première et à la seconde, se détachent avec un rythme et un relief saisissants. Pour la rime il se permet beaucoup de licences. Il fait rimer, à la