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L'ŒUVRE.

teur du Testament d’avoir, si l'on ose dire ainsi, fait leur lyre de leur propre cœur. Le premier vivait cependant à l'époque où Gautier et Leconte de Lisle enseignaient à la poésie l'impassibilité ; le second avait appartenu à ce groupe des Parnassiens qui, sous l'inspiration de ces maîtres, regardait la poésie comme l'expression aussi parfaite que possible des choses éternelles et déclarait indignes d'elle les petites aventures de la vie réelle de chacun ; le troisième a été le précurseur de celle école qui, en n'exprimant les sentiments que par des symboles, leur enlève par cela même toute individualité. Mais la nature chez eux a été plus forte que l'enseignement ou le milieu :

Puisque c'est ton métier, misérable poète,


dit Musset avec un juste sentiment du destin invincible auquel obéissent les poètes ainsi doués,

Puisque c'est ton métier de faire de ton âme
Une place publique, et que, joie ou douleur.
Tout demande sans cesse à sortir de ton cœur…


Eh bien ! ce besoin, qui pousse, comme Musset l'a dit ailleurs si magnifiquement, le poète à offrir son cœur en pâture aux autres hommes, Villon est le premier qui l’ait ressenti, et c'est par là que son œuvre est surtout originale et qu’il mérite le nom de premier des poètes modernes.

Il mérite celui de poète et même, çà et là, de grand poète, par des qualités variées. La plus saillante, celle qui le caractérise peut-être le plus, est la facilité avec laquelle il passe d'un ton à l'autre, entremêlant sans cesse le plaisant au sérieux, allant du rire aux