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FRANÇOIS VILLON.

et tendre. Il faut franchir tout le xVIIIe siècle — purement intellectuel — pour retrouver dans André Chénier, élève des élégiaques latins, mais les dépassant en profondeur, la sincérité des cris sortis du cœur et l’expression passionnée des ivresses et des dégoûts de la vie. Cependant la poésie personnelle avait jailli en Allemagne dans les Lieder de Goethe et devait arriver à une rare perfection dans ceux de Heine. Les poètes anglais en faisaient un instrument d’analyse minutieuse avec Wordsworth ou, avec Byron, une orgueilleuse provocation. En France elle s’éveillait avec Lamartine, bien que ce noble poète n’ait livré à sa lyre que la partie la plus vague, la plus généralement humaine, de ses sentiments. Alfred de Vigny, dès son début et jusqu’à la fin, a fait retentir sur la sienne la plainte altière de, son âme orgueilleuse et solitaire. Quant à Victor Hugo, sous forme d’épanchements personnels, il a développé des thèmes plutôt qu’il n’a exprimé des émotions, sauf dans la partie de son œuvre consacrée à la plus grande douleur de sa vie. Alfred de Musset, qui se piquait d’avoir « un cœur humain à lui », différent de celui des autres, a été dans la première moitié du siècle le vrai représentant de la poésie personnelle, et lui a donné un charme à la fois exquis et troublant. Puis sont venus trois poètes bien différents, mais qui tous trois ont cherché leur inspiration dans leur être intime et dans les luttes que s’y livrent des sentiments contradictoires, Baudelaire, Sully Prudhomme et Verlaine. Le dernier seul est de la vraie lignée de Villon, et je reparlerai de lui en étudiant l’influence de celui-ci ; mais tous trois ont en commun avec l’au-