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L'ŒUVRE.

révélé avec autant de franchise et de netteté, nous touche et nous passionne.

La poésie personnelle, quoi qu’on en ait dit, aura toujours une valeur et un attrait sans pareils : une valeur de document, un attrait de sympathie. Un poète moderne, qui, d’une qualité d’âme bien différente de relie de Villon, a cependant, comme lui, éprouvé l'irrésistible besoin de nous initier à ses « combats intimes », nous l'a dit admirablement, en parlant des amitiés lointaines que valent aux poètes leurs révélations sur leurs propres souffrances, et qui leur apportent une joie pure :

Et nous la méritons, cette ivresse suprême ;
Car si l'humanité tolère encor nos chants,
C'est que notre élégie est son propre poème.
Et que seuls nous savons, sur des rythmes touchants,
En lui parlant de nous, lui parler d'elle-même.

Cette poésie personnelle, l'antiquité l'avait connue, au moins l’antiquité romaine, car les Grecs n'ont guère confié à la Muse que des sentiments généraux, si on en excepte l'amour, qui lui-même est, au fond, le moins personnel des sentiments, et dont l'expression par un amoureux convient à tous les amoureux. La « satire » romaine contient une très large part d'autobiographie : Lucilius, nous dit Horace, avait exposé en ses vers toute sa vie « comme dans un de ces tableaux que colportent les naufragés » ; Catulle nous initie à mille incidents de son existence privée, et met à nu devant nous les contradictions de son cœur ; Tibulle et, à un moindre degré. Properce nous révèlent souvent leur vie et leur âme ; Horace lui-même nous livre à chaque instant des fragments