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FRANÇOIS VILLON.

mauvais emploi de sa jeunesse ; il regrette le temps qui ne reviendra plus :

Je plains le tems de ma jeunesse,
Ouquel[1] j’ai plus qu’autre gallé[2]
Jusqu’à l’entrée de vieillesse,
Qui son parlement m’a celé…

Allé s’en est, et je demeure,
Povre de sens et de savoir,
Triste, failli, plus noir que meure,
Qui n’ai ne cens, rente, n’avoir…


Il regrette surtout d’avoir mal employé ce temps :

Hé ! Dieu, se j’eusse estudié
Ou tems de ma jeunesse folle,
Et a bonnes meurs dédié,
J’eusse maison et couche molle.
Mais quoi ! je fuioie l’escolle.
Comme fait le mauvais enfant !
En escrivant ceste parolle
A peu que le cuer ne me fent.

Et pourtant il se cherche des excuses : il assure qu’il n’a pas dépense d’argent en repas friands, — mais il passe sous silence les tavernes où il buvait, soit en payant, soit à crédit, de telle sorte qu’il déclare lui-même ailleurs que ses véritables héritiers, ceux par conséquent qui ont eu toute sa « chevance », sont trois taverniers. Il n’a pas, dit-il, vendu de biens par amour, et il avait de bonnes raisons pour cela ; mais il avoue qu’il a beaucoup aimé, et qu'il aimerait encore :

Mais triste corps, ventre affamé
Qui n’est rassasié au tiers
Moste des amoureux sentiers.

L’amour joue un grand rôle dans ses souvenirs et ses pensées : il en parle des façons les plus diverses,

  1. Dans lequel.
  2. Fait la fête.