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L'ŒUVRE.

Mais cette exhibition de lui-même n'est encore qu'extérieure, superficielle et plaisante. Dans le Testament, il se livre et se révèle corps et âme. Nous le voyons devant nous, vieux avant l'âge, « plus maigre que chimère », pauvre, famélique, renié par les siens, obligé de se cacher, inquiet de ce qui le menace encore. Il fait allusion à mainte aventure de sa vie, à sa naissance à Paris, à la pauvreté de sa famille, à son roman du Pet au Diable, à ses joyeux camarades d'autrefois, à ses larcins de canards dans les fossés de Paris, à ses repues franches de Bourg-la-Reine, à ses dettes payées par un ami, à son premier poème, au procès que lui fît Denise devant l'official pour l'avoir injuriée, à sa triste mésaventure avec Catherine de Vausselles, à l'affront que lui fit la femme de Saint-Amant, à un procès qu'il eut à Bourges, à ses amours avec Rose, avec Margot, avec la petite Macée d'Orléans, avec les deux « gentes » Poitevines ; il rappelle le temps de son exil, où, « cheminant sans croix ni pile », il ne trouva qu'une fois un peu de confort dans une « bonne ville ». J'ai renvoyé à la plupart de ces passages dans mon essai biographique, dont, avec les documents d'archives, ils ont fourni la matière. Mais tout curieux qu'ils soient, c'est ce que le poète nous montre de son cœur qui nous intéresse le plus. Il nous le dit dès le début : il n'est plus tout à fait fou, il n'est pas encore tout à fait sage, bien que la souffrance lait mûri, que l'épreuve, comme il dit, ait « aiguisé son esprit obtus et fixé ses sentiments instables mieux que ne l’eussent fait tous les commentaires d'Averroès sur Aristote ». Et il revient sans cesse à ses aveux sur le