Page:Paris - François Villon, 1901.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
FRANÇOIS VILLON.

Mais tout à coup le ton change :

Ici n’i a ne jeu ne ris…

Le poète développe d’abord en quelques vers le thème, banal de son temps, comme on l’a vu, de l’égalité devant la mort ; mais le froid raisonnement fait bientôt place à l’imagination évocatrice, et il écrit les adniirabIes vers que l’on connaît :

Quant je considère ces testes
Entassées en ces charniers,
Tous furent maistres des requestes
Ou tous de la Ciiambre aux deniers ;
Ou tous furent porlepaniers :
Autant puis l’un que l’autre dire,
Car d’evesques ou lanterniers
Je n’y cognois rien a redire.

Et icelles qui s’enclinoient
Unes contre autres en leurs vies,
Desquelles les unes regnoient,
Des autres craintes et servies,
La les voi toutes assouvies[1]
Ensemble en un tas pesle mesle…

Celui qui a eu cette vision et qui a su la faire surgir, si présente et si nette, devant nos yeux, n’eût-il écrit que ce morceau, mériterait le nom de poète. Mais à ce nom il a d’autres titres encore ; on l’a déjà vu, et on le verra dans ce qui nous reste à dire du Testament. J’en ai laissé de côté jusqu’ici la première partie, celle qui précède les legs. Elle contient, comme l’autre, des digressions pittoresques et morales. J’ai cité ce que le poète y dit des destinées diverses de

  1. Arrivées à leur fin.