change à chaque instant, passant, avec l’imprévu qui caractérise tous les vrais humoristes, — et Villon est assurément l’un des premiers du genre, — du pathétique au bouffon, du sérieux au badin, du solennel au trivial. Dans la partie proprement testamentaire, que je viens de soumettre à une minutieuse analyse, le poète s’espace beaucoup plus librement que dans son premier ouvrage. J’ai cité quelques-uns des croquis, tracés avec la sûreté de plume d’un caricaturiste de génie, dont il sème l’énumération de ses libéralités posthumes ; en voici encore un tout à fait vivant, et d’autant plus gai que les « trois pauvres orphelins » que le poète y représente tels qu’il espère les voir après la bonne éducation qu’il demande pour eux étaient des hommes d’âge, et fort éloignés de l’innocence qu’il leur attribue :
Et vueil qu’ilz soient informés
En meurs, quoi que couste bature[1] ;
Chaperons auront enfourmés[2]
Et les pouces sous la ceinture ;
Humbles a toute créature,
Disans : « Hen ? quoi ? il n’en est rien. »
Si diront gens, pur aventure :
« Veci enfans de lieu de bien ! »
Il serait impossible de relever ici tous les traits comiques dont il émaille son dispositif : allusions rapides, figurines esquissées dans une parenthèse, jeux de mots, plaisanteries parfois grivoises ; tout