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FRANÇOIS VILLON.

Mais le même homme qui venait agenouillé à côté d’elle, de lui souffler cette prière à l’oreille la quittait bientôt pour aller réciter à ses compagnons et à leurs amies le poème — qui paraît avoir existé à l’état indépendant avant d’être annexé au Testament— des Regrets de la belle heaumière. Ce poème, qui comprend dix strophes suivies d’une ballade, est visiblement inspiré du Roman de la Rose, et la « leçon » que donne, dans la ballade, « la belle et bonne de jadis » à ses « écolières » rappelle de près les cyniques enseignements de la Vieille de Jean de Meun. Mais à ce thème ancien et toujours vrai[1] Villon a ajouté un élément tout nouveau, mêlé, comme tant de parties de son œuvre, de sensualité et de mélancolie : la glorification de la beauté féminine et le sentiment de tristesse et de répulsion qu’en inspire l’inéluctable décadence amenée par la vieillesse. Avec un réalisme auquel rien n’échappe, il a tracé une double image de la femme, dans sa splendeur juvénile et dans sa misère sénile, qui s’est gravée dans toutes les mémoires.

C’est une autre forme de la même adoration pour la femme qu’il a incarnée dans la plus célèbre de ses ballades, celle des Dames du temps Jadis, que l’on peut sans doute attribuer à la même époque. Jamais sa poésie n’a été mieux inspirée. Le cadre cependant n’est pas de lui. Dès le xIIe siècle, et à satiété depuis lors, nous trouvons ces énumérations de per-

  1. . Les vers si énergiques où la belle heaumière rappelle son amour enragé pour le « garçon » qui la rudoyait et auquel elle sacrifiait tout ont leurs correspondants exacts dans le Roman de la Rose.