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L'ŒUVRE.

aussi ce qu’il y a parfois de conventionnel et de factice dans la façon dont il parle de l’amour, et quelque chose de la grâce et de l’aisance qu’il sait donner à son style dans les parties sentimentales[1]

Mystères, moralités, farces et soties durent être pour lui une large mine soit de pensées sérieuses, soit de plaisanteries. Ses épanchements de piété rappellent les effusions lyriques de certains mystères, et on retrouve à chaque instant dans ses strophes facétieuses l’allure saccadée et la verve argent comptant des meilleures farces[2]. Où pouvait-il, d’ailleurs, mieux apprendre ce perpétuel mélange de sérieux et de bouffonnerie, de larmes sincères et de bruyants éclats de rire, qui caractérise son œuvre, que dans ces spectacles singuliers des mystères, où non seulement les scènes les plus solennelles ou les plus touchantes alternent avec les plus triviales, mais où dans une même scène les discours du Seigneur lui-même, des apôtres ou des martyrs sont coupés par les bouffonneries des diables ou des bourreaux ? Avec la peinture et le poème du charnier des Innocents, je ne pense pas que rien ait plus profondément agi sur l’âme impressionnable, fantasque et mobile de l’auteur du Testament.

En somme, le milieu littéraire dans lequel se

  1. On a vu qu’il avait probablement lu à Blois le manuscrit contenant les œuvres de Charles d’Orléans ; mais il avait déjà développé sa manière propre, et celle de son illustre patron ne pouvait beaucoup agir sur lui.
  2. Malheureusement, — sauf un fragment du xIIIe siècle, — nous ne possédons aucune farce qu’on puisse faire remonter à une époque antérieure à 1460, en sorte que nous ne connaissons pas celles que Villon a pu entendre.