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L’ŒUVRE.

Si, embrassant d’un coup d’œil ce que nous venons d’exposer en quelques pages, nous nous demandons ce que Villon a connu de la poésie française antérieure et ce qu’il a pu y trouver d’inspiration, nous verrons que cela se réduit en somme à peu de chose. Rien ne prouve qu’il ait lu les œuvres de Machaut, de Deschamps, de Froissart, de Christine de Pisan, de Martin Le Franc. Il ne faut pas oublier que la littérature et surtout la poésie, composée pour et souvent par la haute aristocratie, n’était guère, en ce temps-là, accessible aux petites gens. Elle était consignée en de somptueux manuscrits offerts à des rois, à des princes, à de grands seigneurs, et qui ne sortaient pas de leurs « librairies »[1]. Les bibliothèques des collèges ou des couvents, où les clercs pouvaient avoir accès, n’accueillaient qu’exceptionnellement des livres de ce genre. Il nous est infiniment plus facile qu’il ne l’était à un écolier du temps de Charles VII de connaître la littérature vulgaire du temps. Elle était d’ailleurs assez pauvre, et les désastres et misères de la première moitié du siècle ne lui avaient permis qu’une floraison chétive. La poésie du haut moyen âge avait sombré presque tout entière, par suite tant du changement des mœurs et du milieu social que du changement de la langue. Villon avait pu jeter les yeux sur quelques vieux romans, mais certainement il avait eu peine à les comprendre. Quand il voulut écrire une ballade « en vieil langage fran-

  1. Martin Le Franc connaît beaucoup mieux que Villon la poésie française antérieure et contemporaine ; mais c’était un homme d’une condition supérieure et qui fréquentait les cours.