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FRANÇOIS VILLON.

touchait de près à la méditation proprement religieuse, et avait notamment inspiré ces strophes de la Danse Macabré que Villon dut lire si souvent au-dessous de la grande peinture du charnier des Innocents. Le moyen âge avait fait de la Mort une sorte de divinité aveugle et cruelle, dont on ne se lassait pas de dépeindre les rigueurs, et contre laquelle il était de règle qu’on élevât des récriminations indignées, soit lors du décès d’un grand personnage, soit lors du trépas, obligatoire dans les vers de tout poète un peu stylé, d’une maîtresse chérie. Non moins établi et non moins aveugle était le pouvoir de la Fortune, dont on faisait aussi une sorte de divinité, — sans arriver à bien concilier son pouvoir avec celui de Dieu, — et sur laquelle on dissertait à l’infini. Une troisième divinité, aveugle et toute-puissante aussi, était l’Amour, et ce fut un trait de génie, — le seul, hélas ! de son œuvre, — de Pierre Michaut que de réunir ces trois puissances, et de montrer, dans sa Danse aux aveugles (vers 1450), tous les humains dansant sous l’archet de l’un de ces trois chorèges : le poète, spectateur, dans une vision, de ce triple et terrible bal, en sort épouvanté ; mais Entendement le réconforte en lui montrant qu’on peut se soustraire à l’amour, se garer de la fortune et se préparer à la mort. Ce sont là des idées que nous retrouvons chez Villon ; elles étaient dans l’air et formaient comme le fond obligatoire de toute poésie.

En dehors de ces thèmes consacrés, la poésie morale débordait de tous côtés. Elle est le sujet d’un grand nombre des ballades de Deschamps, qui se trouvent pêle-mêle à côté de ballades pieuses, amou-