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LES TROIS LECTURES.

Pour occuper son public pendant l’arrivée des retardataires, madame de Ramesay mit la conversation sur la détresse de la plupart de nos théâtres aujourd’hui. — « Cependant, ajouta-t-elle ! ce n’est pas la liberté qui leur manque…

— « Non, répondit M. de Saint-Brice, car c’est elle qui les étouffe. On sait si bien qu’ils peuvent tout représenter et tout dire, que, malgré la licence dont plusieurs font preuve, on ne les trouve pas encore assez neufs, assez amusants dans leurs conceptions ; mais le mal n’est pas là ; car un public spirituel comme celui de Paris finit toujours par faire justice des mauvais moyens qu’on prend pour l’attirer. Ce qui ruine nos théâtres, c’est la vieille routine qui les empêche de se conformer à nos mœurs nouvelles : dans ma jeunesse, les bourgeois de Paris dînaient à deux heures, les gens du monde à trois heures précises ; les grands spectacles commençaient à six, et l’on avait tout le temps convenable pour y arriver. À neuf ou dix heures au plus tard ils étaient finis, et rien n’empêchait l’homme studieux ou matinal de rentrer chez lui pour y travailler ou pour se coucher. Les oisifs du monde élégant allaient, sans crainte d’arriver trop tard, de l’Opéra au bal, ou dans les brillants salons, où la conversation et le jeu occupaient alternativement un nombre d’invités, propor-