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LES TROIS LECTURES.

comme je vais le faire, je te jure que je n’hésiterais pas. Encore si j’avais eu le temps de revoir mon manuscrit ! »

En effet, le trouble qu’éprouvait Amaury lui ôtait jusqu’au souvenir de sa pièce.

Le moment qui précède celui où l’on va fixer l’attention dénigrante d’un grand nombre d’auditeurs, est une espèce d’agonie d’amour-propre qui ferait pitié aux envieux eux-mêmes. Ce moment se prolongea pour Amaury ; car madame de Ramesay exigeait qu’on attendît la marquise d’Ernanville, vieille femme d’esprit, contemporaine des succès des La Harpe, Marmontel et Collin-d’Harleville ; n’ayant jamais exposé son admiration à leur être infidèle, car elle n’était retournée à aucun spectacle depuis la première révolution ; et son goût littéraire n’avait subi nulle altération. C’était toujours un ouvrage froidement conçu, symétriquement conduit, bien écrit, et mal rimé, qui était resté dans son souvenir, comme le seul modèle à suivre pour s’attirer les applaudissements du parterre et le suffrage des gens comme il faut. L’analyse de certaines pièces, lue par elle dans son journal, lui donnait bien l’idée de quelques innovations introduites à la scène ; mais on en faisait trop souvent la critique pour quelle leur supposât le moindre succès. Qu’on juge d’après cela de la surprise qui l’attendait à la lecture d’une pièce romantique !