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C’est en effet le 12 juin 1820, que je relevai ce malheureux jeune homme, atteint par derrière de la balle d’un garde royal, et que nous le reconduisîmes, dix ou douze, à sa mère qui ne l’attendait pas sitôt… Cette époque et ce nom me rappellent des jours de captivité ; ma plume était cependant restée bien au-dessous de mon indignation : je lui avais dit, du moins :

Toi, dont la cendre ici repose,
Dors en paix, Lallemant, dors dans le doux espoir
Qu’un jour, ceints de lauriers, les soutiens de ta cause
Sur ta tombe viendront s’asseoir !

Et ils y sont venus… trois journées de juillet ont justifié ce vers que j’adressais à la Liberté :

Des chaînes aujourd’hui !… des couronnes demain !…

… J’errais ainsi depuis quelques heures dans cet Élysée. Je pus remarquer plus d’une fois que si les visiteurs s’empressent au-devant des pompes funéraires, à défaut de ce spectacle, ils n’accourent pas moins au-devant du plus humble convoi. Ils regardent surtout avec une avide curiosité descendre la bière dans son étroit encaissement, et ne s’éloignent qu’après que le sol déjà nivelé, semble ne plus rien témoigner du dépôt qu’il recouvre… Tant nous sommes inquiets de savoir comment la terre s’empare de sa proie !… Et moi, pensais-je, je disparaîtrai de