Page:Paris, ou, Le livre des cent-et-un, IV.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

effroi. Agenouillée près du bord, une jeune fille vêtue de laine noire, la tête sur son sein, et les mains jointes, prie avec ferveur ; la pauvre enfant a doublé ses veilles et en a épuisé le produit, avant de recourir pour sa mère à l’asyle de la Charité ; elle prie, et d’un air consterné, se demande vers quel endroit elle peut adresser des regards confiants. Après elle, car je la contemplai jusqu’au moment où elle s’éloigna, je vis venir un homme d’une contenance assurée, mais le visage vivement ému, c’était un militaire ; long-temps prisonnier loin de sa patrie, son absence avait contraint sa jeune épouse d’aller mourir sous le toit de la pitié ; le malheureux regarde comme s’il la cherchait, comme s’il pouvait la voir… Il a des larmes à répandre, et ne sait quelle place en arroser ! L’objet de sa tendresse est enfoui dans ce pêle-mêle de cadavres : nul sanglot ne s’est fait entendre lorsque la pelle du terrassier l’a rendue invisible, et nulle voix n’a béni sa dépouille… Il n’y a point de prêtre à l’enterrement des pauvres.

Je demandai au vieux soldat si notre dernière révolution était signalée au Père-Lachaise par quelques monuments ; il me conduisit du côté de l’ancienne porte d’entrée, et me montra de loin les trois couleurs ondoyantes. J’approchai, le front découvert : un simple treillage d’osier, deux