Page:Paris, ou, Le livre des cent-et-un, IV.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le simple champ du repos, c’est la magnifique cité d’une population de cadavres. »

Mais quoi ! les vivants y usurpent la place des morts et leur disputent leur dernier asile ! Pieux voyageurs, je vous contemple agenouillés devant ces sépulcres où sont façonnés les attributs symboliques du trépas, où votre crédulité veut honorer des restes mortels, où un nom est écrit au-dessus de la porte. Levez-vous, regardez, c’est un mausolée vide ; le propriétaire de ce monument, encore dans la fleur de l’âge, nage au milieu des délices. Ne savez-vous pas qu’il appartient au riche de la capitale d’avoir son hôtel à Paris, sa maison de campagne à Saint-Cloud, une loge au Théâtre-Italien, et une tombe au Père-Lachaise ? ce sont des arrhes pour une habitation qu’il occupera quand le terme sera venu. D’avance, il choisit l’exposition qu’il préfère aux rayons d’un soleil qui ne réchauffera point sa cendre, une éminence ou un bas-fond, un voisinage selon ses goûts, la solitude ou le grand monde et le quartier le plus brillant, car le Père-Lachaise a son aristocratie tumulaire et ses faubourgs. Toutefois, n’enviez point le riche que je viens de citer ; lorsqu’il bâtissait avec tant de luxe, il était loin de prévoir qu’une révolution, en 1830, courberait sa tête avec tant d’autres. Depuis, j’ai visité son hôtel, ce n’était plus sa