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songe de galehaut.

l’autre ne sortait de ma poitrine qu’en m’arrachant la vie.

« — Cher sire, dit Lancelot, un prince sage comme vous êtes peut-il se tourmenter d’un songe ? Il faut laisser les femmes et les hommes sans courage prendre un tel souci. — Ils annoncent parfois, dit Galehaut, les choses à venir. — Non, l’avenir n’est pas à la connaissance des hommes. — Je veux pourtant demander aux sages clercs ce que je dois présumer de ces visions. Autrefois le roi Artus fut aussi visité par des songes merveilleux, et l’intention lui en fut révélée par de grands clercs. J’ai résolu de demander ces clercs au roi, et je les ferai venir en Sorelois pour apprendre d’eux ce que je dois attendre s’ils présagent ma mort, ou bien un surcroît d’honneur. »

Avant de quitter la Garde du Roi, Galehaut vêtit une chappe légère d’isembrun[1], fourrée de cendal vert ; et, pour mieux rêver à son aise, il en abattit le chaperon sur ses yeux. Ainsi remontèrent-ils, seulement accompagnés de quatre écuyers. Après avoir traversé le fleuve d’Azurne qui confinait aux marches de

  1. Isembrun ou isangrin, de couleur gris de fer. Isangrin est le nom du loup dans les romans de Renart, comme ceux de Brun, l’ours ; de Roussel, l’écureuil, etc.