LXXXV.
orgain, rentrée en possession de son
prisonnier, insista longtemps encore
pour obtenir l’anneau de Lancelot ;
mais voyant enfin que les prières ne servaient de rien, elle eut recours à ses
artifices ordinaires. Nous avons dit qu’elle
avait une bague presque en tout semblable
à celle de la reine, si ce n’est que sous la
bague de Morgain, les deux figures se tenaient
par les mains. Quand donc elle désespéra
d’avoir l’anneau de bon gré, elle feignit de
ne l’avoir demandé que pour éprouver Lancelot.
En réalité, disait-elle, elle y tenait le
moins du monde. Elle prit une herbe appelée
sospite et la trempa dans un vin fort. Ainsi
préparée, celui qui vient à la porter à ses lèvres
tombe aussitôt dans un profond sommeil. Elle
la lui présenta, un soir, au lieu de vin du coucher,
en ayant soin de placer à son chevet
l’oreiller sur lequel il s’était endormi quand
on l’avait transporté dans sa prison. Lancelot
vida la coupe et ferma les yeux : aussitôt Morgain
ôta facilement l’anneau de la reine, et
le remplaça par celui qu’elle portait elle-même.
Le lendemain matin, elle tira l’oreiller